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L'espérance de vie !
Il y a quelque chose d'animal dans l'espérance. Le principe s'applique à tout ce qui vit. Quand une mousse pousse sur la face exposée d'une falaise nordique, juste au-dessus d'une eau glaciale elle-même battue
par un vent froid, alors il nous faut admettre que cette mousse est espérante. Elle espère vivre là où elle est, vivre au maximum sa vie de mousse de roche, et rien ne lui fera lâcher prise sinon l'irréparable. La vie s'accroche
à la pierre, à la terre, elle s'enfonce au plus profond des mers, elle est pleine de vie, et cela même dans les temps les plus durs.
La vie veut vivre. L'espérance est un combat, ce combat une vie. Il faut espérer jusqu'à ce que tout soit perdu. Mais qu'est-ce qui pousse ainsi la vie à vouloir vivre? Qu'est-ce qui pousse une petite épinette à pousser au pied
des grandes, sans espoir immédiat d'aller chercher sa part de ciel? Elle étouffe autant qu'elle croît, cette petite anonyme perdue au milieu de ses semblables; si nécessaire, elle végétera, mais dans l'intervalle, pas
question de se laisser aller. Elle espère que les vieilles épinettes mourront et tomberont, qu'une situation inattendue viendra changer la donne. Tout d'un coup, contre toute attente, la lumière pourrait lui être donnée,
le ciel pourrait s'éclaircir et elle pourrait se mettre à véritablement grandir. Elle aurait sa chance, comme on dit, et c'est ce qu'elle espère.
Les animaux sont pareils qui mettent tous leurs oeufs dans le panier de l'espérance. Les proies espèrent passer la nuit sans se faire attraper. Les prédateurs espèrent tuer une proie pour continuer à vivre une autre journée.
Les oiseaux font le tour de la terre dans l'espoir de trouver des cieux plus cléments. Les animaux, qui sont bien faits sous ce rapport, savent clairement la différence entre l'espoir et le désespoir. Un loup qui se casse deux
pattes et la mâchoire en sus, comme cela peut arriver quand on court dans les sabots des orignaux, sait bien que sa vie se termine avec ces blessures. Il attendra la mort en position recroquevillée, résolu, ne discutant pas
son destin, soupirant à peine sur son sort, parce que les fractures font mal.
L'espérance de vivre est la vie elle-même. À chaque espèce sa lumière, sa vérité, sa niche. Nous savons tous que l'espérance de vie augmente le vouloir vivre. Dans son histoire de vie, il n'est rien que la vie n'ait tenté.
La vie fut végétale, animale et voilà qu'elle est conscience réfléchie, c'est-à-dire humaine. Contrairement au loup, l'humain est fragile dans l'ordre de son imagination. Tous les matins, il doit s'encourager. Et plus il
pense, plus il s'interroge, plus il angoisse. Dans le miroir aux alouettes de ses propres émotions, il n'endure plus rien, ni lui, ni ses semblables, ni la pluie, ni le vent, encore moins le temps gris. Il n'endure plus la
vie. Le désespoir est l'ennemi numéro un de l'être humain. Rien n'est plus tragique dans un visage humain que les marques de la désespérance. Car l'humain n'est pas simple, il se fait du mal par-dessus le mal qu'on lui
fait. Dans notre tête seulement, nous sommes capables de nous décourager sans l'aide d'aucune adversité. Où l'on verra l'humain perdre d'un coup l'élan vital sans que l'on sache la véritable nature de sa blessure.
Cette maladie grave qui consiste à désespérer est un vice terrible de conception dans notre nature. L'humain souffre facilement des maladies de la conscience. Il perd l'énergie de l'espérance, c'est-à-dire la force de vivre.
Or, est-ce un fait historique, il apparaît que plus l'humain s'éloigne des enjeux de la vie et de la mort, plus il développe cette maladie de l'âme qui consiste à ne plus espérer. Et la mort le rattrape par là où il ne fallait
pas s'y attendre, par une surdose de conscience. Le paradoxe est effrayant. Souvent le misérable se bat plus pour son lendemain que le confortable pour son bien.
Camus avait raison. Le suicide est une grande question et nos souffrances sont scandaleuses. À l'humain, il faut une vérité. En admettant que cette vérité ne se trouvera jamais, espérons quand même la trouver. Elle se cache dans
les montagnes, dans le brouillard du matin, dans la course d'une bête sauvage, dans la beauté indiscutable du monde. Nous sommes condamnés à espérer car la vie n'est qu'espérance. Et cette espérance sera obligatoirement déçue quand
il faudra passer l'arme à gauche. Mais d'ici là, dirait le loup, tant que tu cours sur tes quatre pattes et que tu as toutes tes dents, tant qu'il y a du manger et des choses à faire, il faut courir avec sa louve, vivre dans
la meute, il faut faire des petits loups, il est bon d'être un bon loup et de pousser l'espoir jusqu'aux limites du territoire de la vie.
Je tiens l'espérance en estime, un peu comme l'oxygène et l'amour. Un miracle est toujours possible. L'espérance de vie n'est pas une donnée statistique. C'est beaucoup plus que cela, c'est une question de vie ou de mort. Quand la vie n'espère plus, elle meurt, tout simplement.
Serge Bouchard, anthropologue
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